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Perspective: révolte?

« Il ne s'agit plus d'attendre un rayon de lumière, la révolution, l'apocalypse atomique ou un mouvement social. Attendre encore, c'est de la folie. La catastrophe, ce n'est pas ce qui va arriver, mais ce qu'on vit. »


Avec cet appel insistant, le comité invisible ouvre son manifeste « L'insurrection qui vient ». En 2007, au moment de la publication du texte d'origine française, le rapport emphatique avec une logique insurrectionnelle  semblait encore aberrant pour beaucoup de personnes. « On part d'un point d'isolation extrême, d'impuissance extrême. Il reste encore tout à construire dans un processus insurrectionnel. Rien n'est moins probable qu'une insurrection, mais rien n'est plus urgent », proclame le comité dans son texte, devenu un bestseller international à cause de ses qualités anticipatrices.

Avec l'apparition de la crise financière et accumulative du capitalisme au niveau mondial en 2008, l'orientation vers une perspective insurrectionnelle a obtenu une actualité imprévisible. Depuis, on observe une densification des luttes et révoltes, qui ont lieu en même temps dans diverses régions du monde, commencée par les révoltes en Grèce après l'assassinat du jeune activiste Alexis Gigoropoulos en décembre 2008, à travers les révoltes en Tunisie et en Egypte au printemps 2011, les révoltes qui ont mené à des guerres civiles en Lybie et en Syrie, les luttes sociales et mouvements de grève contre les dettes de la crise et la dictature économique de la Troika en Grèce, au Portugal et en Espagne, le mouvement Occupy Wall Street qui s'est déployé très vite au niveau global, les protestations sociales en Israël jusqu'aux émeutes et pillages intenses au Royaume Uni et dans les banlieues françaises. Le nouveau cycle de mouvements et de luttes dans le contexte de la crise continue du capitalisme donne des formes concrètes et plus atteignables d'une insurrection future.

Ensemble, avec des militants d'Europe du Sud et d'Afrique du nord, nous voulons parler des mouvements révolutionnairs¨es et des luttes sociales dans leur pays, mais pas instaurer une nouvelle révolte à la mode. Nous nous intéressons aux possibilités réelles - et aux limites - des mouvements et renversements des rapports de force devenues insupportables. Ce faisant, nous ne voulons pas négliger les contradictions et échecs auxquels ces mouvements de révolte se voient confrontés. Partant du renforcement des fascistes et racistes en Grèce, une répression de plus en plus militaire des pays au sud de l'Europe, les succès aux élections par des partis islamistes et les tendances réactionnaires en Egypte et Tunisie, l'éviction des forces émancipatrices au sein de la militarisation des conflits en Lybie et en Syrie, jusqu'à l'écroulement rapide du mouvement Occupy et des protestations contre la crise aux États-Unis, en Israël et en Europe : partout les mouvements et militants se voient confrontés à une rechute massive.

La limite nationale d'un grand nombre de mouvements et luttes est un autre problème. Contrairement aux stratégies capitalistes pour surmonter la crise et aux diktats de la politique d'austérité qui sont décidés et appliqués depuis longtemps au niveau transnational par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et par le Fond monétaire international, les luttes contre les conséquences brutales de cette politique restent souvent, elles, limitées au cadre national. Des actions internationales, coordonnées, comme la journée européenne de grève et d'actions en novembre 2012 sont encore une rare exception.

La solidarité internationale efficace et la connexion pratique des luttes et mouvements divers devient une question existentielle. La connexion de luttes sociales en Europe avec les mouvements de résistance en Afrique du nord et au Proche-Orient pourrait jouer une position clé. C'est le seul moyen de transformer la Méditerranée, aujourd'hui zone mortelle de défense contre les fugitifs et frontière brutale entre riches et pauvres, en zone de révolte et de richesse des mouvements et luttes sociaux.

Des questions urgentes se posent face à des situations politiquement stables, dans les pays du nord et de l'ouest de l'Europe. Précisément, le gouvernement fédéral allemand a jusqu'à maintenant réussi à déplacer les conséquences de la crise sur d'autres pays. Une productivité qui augmente, des salaires bas, des situations de travail précaires et une paix sociale stable sont la base de la championne du monde de l'exportation : l'Allemagne. On exporte le « modèle allemand » par diktats de dettes et programmes d'austérité dans les états européens en crise. Jusqu'à maintenant, la gauche réagit de façon désarmée et sans idées. Les protestations contre la crise comme récemment les actions de Bloccupy à Frankfurt restent isolées et sans dynamique sociale.

Quand est-ce qu'on réussit ici aussi à en finir avec ce silence de cimentière ? Quel rôle peut y jouer une gauche marginalisée ? Qu'avons nous à opposer à des solutions racistes et nationalistes contre la crise ? Qu'avons nous à apporter à un mouvement transnational de résistance ? Avec qui nous solidarisons-nous ? Est-ce que l'escalade vers la guerre civile signifie l'échec de la révolte ? Toutes ces questions se posent face aux situations actuelles avec une urgence nouvelle. La recherche de réponses est décisive pour le futur d'une politique internationaliste.

 

Débat en public
Perspective : révolte ? Luttes sociales en Europe du Sud et en Afrique du Nord
avec des militantes de Tunisie, France, Espagne et Grèce.

Vendredi 10.05. à 20h au Freiheiz ;
Rainer-Werner-Fassbinder-Platz 1, 100 mètres du S-Bahn
Donnersbergerbrücke (tous les S-Bahnen)